14

Cal Omas annonça son « Plan Jedi », et sa candidature officielle, dans le courant de la matinée devant un parterre de journalistes, rassemblés dans le hall de l’immeuble que les autorités de Mon Calamari avaient alloué aux services sénatoriaux. Luke se tenait tranquillement au côté de Cal, au milieu d’un groupe d’amis et de supporters, ne souhaitant guère attirer l’attention. Mais, lorsque Cal demanda si les reporters avaient des questions à poser, la plupart étaient destinées à Luke et le politicien demanda au Jedi de le rejoindre.

— Est-ce que vous, et les Jedi, soutenez la candidature du conseiller Cal Omas ? lui demanda-t-on.

— J’espère être en mesure de travailler avec n’importe quel Chef d’Etat, dit Luke. Mais je soutiens le plan du conseiller Cal Omas visant à former à nouveau le Conseil Jedi.

Le journaliste parut sceptique.

— Donc, vous seriez prêt à travailler pour Fyor Rodan si celui-ci remportait le scrutin ?

— Je suis prêt à travailler avec le conseiller Rodan pour peu que celui-ci soit prêt à travailler avec moi. (Luke sourit.) J’ai l’impression, cependant, qu’il n’y est pas prêt du tout.

Un rire léger parcourut la foule.

— Rodan a déclaré que le Conseil Jedi était pour vous un moyen de vous emparer du pouvoir, annonça quelqu’un d’autre.

Cal fit un pas en avant.

— Puis-je répondre à cette question ? Permettez-moi de vous signaler que si Luke Skywalker était effectivement assoiffé de pouvoir, il n’aurait guère besoin de travailler en collaboration avec des politiciens comme Rodan ou moi. Il n’aurait pas eu besoin de détruire l’Etoile Noire ou bien d’affronter l’Empereur en combat singulier. Il n’aurait pas, non plus, aidé sa sœur à fonder la Nouvelle République. Non. Tout ce que Maître Skywalker aurait eu à faire, cela aurait été de s’allier à son père, Dark Vador, comme bras droit de l’Empereur. Dans ce cas, son pouvoir aurait été illimité et nous serions tous morts ou emprisonnés.

Cal foudroya l’assemblée du regard.

— Nous ne sommes pas en train de parler d’un petit politicien de pacotille, ajouta-t-il avec une pointe de colère dans la voix. Nous parlons de Luke Skywalker. Je ne connais pas une seule personne au sein de la Nouvelle République qui n’ait envers lui une immense dette de reconnaissance. Alors, si quelqu’un insinue que Luke Skywalker est impliqué dans je ne sais trop quel jeu de pouvoir et d’influence, je pense que cette personne est non seulement incapable d’ouvrir un livre d’histoire, mais aussi incapable de comprendre le caractère humain.

Un tonnerre d’applaudissements s’éleva, et pas uniquement du côté des supporters de Cal.

— J’aimerais vous remercier pour les paroles que vous avez prononcées à mon égard, dit Luke après la conférence.

— Ça vous a plu, le coup de la colère ? demanda Cal en souriant. Je crois que je ne m’en suis pas trop mal tiré.

— Vous avez fait semblant ? demanda Luke, surpris.

— Oh non, la colère était bien réelle, dit Cal. Je l’ai juste un petit peu forcée pour pouvoir faire la une des actualités holographiques de ce soir. J’espère simplement que je l’ai forcée suffisamment.

Luke abandonna Cal à sa réflexion et à ses assistants et regagna l’annexe du quartier général de la Flotte de la Nouvelle République, là où Vergere subissait toujours un interrogatoire. Jacen avait été relâché au bout de quelques heures, mais le commandement de la Flotte semblait désirer conserver Vergere sous les verrous indéfiniment.

Pour l’heure, Luke pensait que ce n’était pas une si mauvaise idée.

— Elle nous a révélé des pages et des pages d’informations, annonça Nylykerka, le directeur du Service de Renseignement. Il va nous falloir des centaines et des centaines d’heures pour analyser tout ça. Rien ne contredit ce que nous connaissons déjà. Mais, en considérant qu’elle peut être un leurre, qu’elle travaille toujours à la solde de l’ennemi, elle s’abstiendrait de contredire quoi que ce soit, n’est-ce pas ? (Nylykerka parut amusé.) En plus, elle a dû manger l’équivalent de deux fois son propre poids. Je n’ai jamais vu pareil appétit.

— Si vous aviez été forcé de manger de la nourriture Yuuzhan Vong pendant plus de cinquante ans, vous feriez pareil, non ?

Luke demanda alors au Tammarien s’il pouvait s’entretenir avec Vergere.

— Si vous pouvez lui tirer les vers du nez… dit Nylykerka en faisant un vague geste de la main.

Luke trouva Vergere dans sa cellule, perchée sur un tabouret, les jambes repliées sous elle, regardant attentivement une transmission holographique en provenance de la planète. Une transmission qui présentait Luke et Cal Omas.

« … mais aussi incapable de comprendre le caractère humain », disait Cal.

Vergere éteignit l’hologramme lorsque Luke entra.

— A mon époque, dit-elle, un Maître Jedi ne se serait pas mêlé d’intervenir au Sénat ni au cours d’une campagne électorale.

— A votre époque, répondit Luke, ce n’était pas nécessaire.

Vergere acquiesça à la réponse d’un gracieux hochement de sa drôle de petite tête. Luke rassembla les pans de sa tunique Jedi et alla s’asseoir, en croisant les jambes, sur la chaise qui se trouvait en face d’elle. Il se calma. Il ne voulait absolument pas se laisser aller à détester Vergere, même s’il avait de bonnes raisons de le faire.

Bon, allons-y, songea-t-il.

— J’ai parlé avec Jacen de sa captivité, dit-il.

— Votre apprenti l’a remarquablement supportée, répondit Vergere. Je dois vous féliciter pour l’enseignement que vous lui avez inculqué.

La colère gronda dans le cœur de Luke. Poussant délibérément un très long soupir, il parvint à la contenir.

— Peut-être que Jacen aurait très bien pu ne pas avoir à la supporter, dit-il. Il m’a dit que vous l’aviez vous-même capturé trois fois.

Vergere hocha la tête.

— Exact, répondit-elle.

— On l’a torturé, dit Luke. Torturé presque à mort. Et vous avez assisté à tout cela. Vous auriez pu tous deux vous enfuir bien avant, non ?

— Oui.

— Alors pourquoi ne pas l’avoir fait ?

Vergere se raidit et redressa la tête, comme pour écouter sciemment une voix que Luke ne pouvait pas entendre.

— Il était nécessaire que votre élève apprenne certaines leçons, dit-elle.

— Des leçons de quoi ? De trahison ? demanda Luke, essayant de contenir la fureur dans sa voix. De torture ? De désespoir ? D’esclavage ? De dégradation ? De douleur ?

— Oui, toutes celles-ci, naturellement, dit Vergere sans hésiter. Mais, tout d’abord, il était nécessaire de l’amener jusqu’aux limites du désespoir et ensuite de l’aider à franchir ces limites. (Ses yeux en amande adressèrent à Luke un regard inquisiteur très intense.) Vous l’avez bien éduqué, mais il fallait qu’il oublie tout ce qu’il avait appris, il fallait qu’il découvre que toutes ces techniques que vous lui avez inculquées ne pouvaient pas l’aider.

— Nécessaire ? demanda Luke, outré. Mais nécessaire pour quoi ? Pour qui ?

Vergere inclina la tête et le dévisagea.

— Nécessaire pour mes plans, cela va de soi, répondit-elle.

— Mais qui vous a donné… (Luke lutta pour apaiser sa colère.) Qui vous a donné le droit ?

— Un droit qu’on donne ne sert à rien. Tout comme une vertu, dit Vergere. Les droits sont utilisés, sinon ils n’ont pas de valeur. Tout comme les vertus se doivent d’être pratiquées. J’ai pris le droit de mentir à votre apprenti, de le trahir, de le tourmenter et de le réduire en esclavage. (Ses plumes tressaillirent et s’aplatirent à nouveau. C’était sa manière à elle de hausser les épaules.) J’ai aussi décidé d’en accepter les conséquences. Si vous, son Maître, souhaitez me punir pour cela, soit.

— Mais quel était le but de tout ceci ? demanda Luke en la dévisageant. En dehors d’exercer vos droits…

— Exercer mes droits, tout à fait, jeune Maître, dit Vergere en hochant la tête. Jacen Solo devait être totalement privé de ses amis, de ses parents, de ses professeurs, de ses connaissances, de la Force et de tout ce qui pouvait l’aider. Il devait être réduit à néant. En fait, il fallait qu’il retrouve son être originel. Pour pouvoir ultérieurement agir, agir lui-même, purement, de son plein gré. Et dans cet état de détachement absolu, sachant que rien ne lui viendrait en aide, il n’avait pas d’autre choix que d’être lui-même, que de décider et d’agir. (La voix de Vergere se fit songeuse.) Je regrette, bien entendu, les moyens employés, mais j’ai utilisé ce que j’avais sous la main. Ce même état d’introspection aurait certainement pu être atteint de façon plus douce, si on en avait eu le temps et la possibilité, mais, ne disposant ni de l’un, ni de l’autre, ce ne fut pas le cas. J’ai dupé les Yuuzhan Vong en le maintenant en vie et en lui faisant accepter la douleur. Je me suis jouée des Yuuzhan Vong. (Elle eut une petite toux sèche, à moins qu’il ne s’agisse de sa façon de rire.) Je crois qu’il s’agit là de ma plus grande réussite.

Les mots de Vergere résonnèrent dans l’esprit de Luke. En suivant l’origine de cet écho, il découvrit que sa colère s’apaisait, que, par vertu, il parvenait à en faire abstraction.

— Et dans quel but, donc ? demanda-t-il.

Vergere ferma ses yeux en amande et détendit son corps, comme sur le point de plonger en méditation.

— Vous connaissez certainement la réponse, jeune Maître, si vous estimez connaître suffisamment Jacen Solo.

— Soyez aimable avec moi, dit Luke. Donnez-moi votre version.

Les yeux de la créature ailée demeurèrent fermés. Sa voix sembla provenir de très, très loin.

— Jadis – enfin, c’est ce que suggèrent les paroles rapportées par Jacen – vous avez vous-même été privé de repères. Séparé de vos armes, de vos espoirs, de toute aide, ployant sous les décharges électriques lancées par l’Empereur. Qu’est-ce qui vous restait, à ce moment précis ? Vous n’aviez plus que vous-même sur qui compter. Il vous a fallu choisir entre la voie de l’Empereur et votre propre destinée.

— Je n’ai pas eu vraiment le choix, répondit Luke.

— Exactement. Vous n’avez pas eu le choix et, même face à une annihilation totale, vous avez tout de même décidé de rester vous-même. (Un soupçon de satisfaction pointa dans la voix de Vergere.) Pareillement, il fut nécessaire d’obliger Jacen à se retrouver lui-même pour qu’il puisse, au moment où toutes les autres portes seraient fermées, embrasser sa propre destinée.

Destinée. Pour la deuxième fois en deux jours, le mot avait été connecté à Jacen. Au plus profond de son être, dans la plus totale incertitude, Luke se rendait compte que Vergere avait raison et que, quelque part dans le tissu complexe des destins, Jacen occupait une place très spéciale.

La soirée précédente, au cours du dîner dans leur petit appartement, Luke et Mara avaient demandé à Jacen de leur raconter son expérience aux mains des Yuuzhan Vong. D’abord, Jacen avait un peu hésité à en parler, n’abordant que des généralités. Mais, au bout de quelques questions, il avait évoqué sans réserve son emprisonnement, comment Vergere l’avait trahi à maintes reprises et livré aux ennemis après l’avoir coupé de sa connexion avec la Force. Mara et Luke avaient échangé des regards horrifiés. Mais Jacen n’éprouvait envers Vergere aucun ressentiment. En fait, il avait parlé d’elle avec respect et admiration. Luke ne l’avait compris que beaucoup plus tard, dans la nuit, lorsqu’il s’était retrouvé seul avec Mara. Celle-ci lui avait rappelé que, parfois, les otages éprouvaient un curieux attachement pour leurs geôliers. Il arrivait même que des prisonniers tombent amoureux de leurs gardiens, surtout si ces derniers étaient habiles dans l’art de la manipulation. Vergere – suffisamment âgée et expérimentée pour suivre des plans connus d’elle seule – avait été à même de manipuler le psychisme immature du jeune Jacen.

Et Luke, furieux, certain de savoir ce qui s’était passé, s’était rendu jusqu’à la cellule de Vergere pour la confronter à ses actes. Mais les choses ne s’étaient pas vraiment déroulées comme il l’avait prévu.

— Et que savez-vous de la destinée de Jacen ? demanda-t-il.

Vergere médita quelques instants avant de répondre.

— Je pense que Jacen est intimement lié au destin des Yuuzhan Vong, lança-t-elle.

Luke s’était attendu à tout, mais certainement pas à cela.

— Il peut les détruire ? demanda-t-il.

— Les détruire, les sauver, les transformer. (Les yeux en amande s’ouvrirent et, dénués de la moindre expression, se braquèrent sur le regard de Luke.) Peut-être même les trois à la fois.

— Peut-il les discerner dans la Force ? demanda Luke.

— Je ne sais pas si c’est possible.

Luke sentit l’amertume ronger son cœur.

— Alors les Yuuzhan Vong y resteront à jamais… étrangers.

— Ça vous ennuie ? demanda Vergere en inclinant la tête.

— Oui, bien entendu, dit Luke en clignant plusieurs fois des yeux. La Force est la vie. Toute vie est la Force. Mais les Yuuzhan Vong sont extérieurs à la Force. Ils seraient donc également extérieurs à la vie ?

— Qu’en pensez-vous ?

— Je pense qu’il est plus facile d’affronter des ennemis du Côté Obscur. (Luke plissa les yeux et dévisagea Vergere intensément.) Je pense également que vous êtes très douée pour poser des questions. Au départ, je vous rappelle que cette conversation a démarré avec mes questions.

— Si vous ne souhaitiez pas que je pose de questions, dit Vergere, vous auriez peut-être dû me le signaler dès le début. (Son corps couvert de plumes se dandina sur sa chaise.) J’ai répondu à des myriades de questions depuis que je suis arrivée ici et j’en ai assez. Si vous insistez pour que les seules questions posées dans cette salle soient de votre fait, alors je refuse d’y répondre.

— Très bien.

Luke se leva de sa chaise. La tête de Vergere, perchée au sommet de son drôle de cou, se releva vers lui.

— Mais j’aimerais vous poser une dernière question avant que vous ne partiez. Libre à vous d’y répondre ou non.

— Allez-y, dit Luke.

— Si la Force est la vie, commença-t-elle en cillant lentement. Et que les Yuuzhan Vong sont vivants mais que vous ne pouvez pas les discerner dans la Force, alors, le problème vient-il des Yuuzhan Vong ou bien de votre propre perception ?

Luke, décidant de ne pas répondre, hocha poliment la tête et sortit.

— Elle est rouée, hein ? lui demanda Ayddar Nylykerka quelques instants plus tard.

— Vous avez entendu ? lança Luke.

— Bien sûr. Tout ce qui se dit dans cette pièce est enregistré. (Le Tammarien inclina la tête.) Qu’est-ce que vous suggérez qu’on fasse d’elle ?

— Gardez-la ici pour l’instant, dit Luke. Continuez de lui poser des questions.

— C’est exactement ce que j’avais prévu de faire, Maître Skywalker, dit Nylykerka en souriant.

 

Des Mon Calamari, aux yeux globuleux brillant dans les lumières des projecteurs, allaient et venaient en nageant devant les fenêtres de Cal Omas. Dans la pièce l’odeur de moisissure était encore plus forte que d’habitude. Mara releva la tête lorsque Luke entra.

— Vergere ? demanda-t-elle.

— Compliqué, répondit Luke. Je t’expliquerai plus tard. (Il regarda Cal Omas, qui était en train de partager avec Mara un déjeuner improvisé.) Des nouvelles du Sénat ?

Cal avala la bouchée qu’il était en train de mâcher et déclara :

— Le Sénat a réalisé un premier tour de scrutin cet après-midi. J’ai obtenu vingt-huit pour cent des votes.

— Et Rodan ?

— Trente-cinq.

— Cola Quis a récolté dix pour cent, ajouta Mara. Ta’laam Ranth, dix-huit. Pwœ n’a eu que trois voix. Il a cependant envoyé un message déclarant que le scrutin était illégal et qu’il était toujours le Chef de l’Etat. Les autres votes étaient nuls, ou bien répartis sur une demi-douzaine de candidats. Il y a eu quelques abstentions.

Luke et Mara avaient décidé, d’un commun accord, que ce serait elle qui travaillerait ouvertement à la campagne électorale avec Cal Omas. Luke avait d’autres responsabilités comme Jacen, Vergere ou les Jedi. Mara pouvait aller et venir plus aisément que lui dans le milieu politique.

Luke s’attabla avec eux. Cal lui tendit un plat de ragoût de giju.

— Où est Triebakk ? demanda Luke.

— En rendez-vous avec Cola Quis, dit Cal. Je pense qu’à l’heure qu’il est, Cola a dû comprendre qu’il ne gagnerait pas. Nous avons donc besoin de savoir s’il est prêt à abandonner la course pour soutenir ma candidature.

— Je suis certaine que Rodan souhaiterait lui poser la même question, dit Mara.

— Il faut aussi que nous allions parler à Ta’laam Ranth de la même chose, continua Cal. Mais, à mon avis, Ta’laam n’est pas encore prêt. Il va d’abord souhaiter d’autres tours de scrutin à l’assemblée, pour prouver quel allié valable il pourrait représenter.

— Qu’est-ce qu’il veut, en fait ?

— Une place au Conseil, certainement, dit Cal. En plus, il va vouloir que certains de ses amis occupent des postes gouvernementaux. Il a toujours mis un point d’honneur à contrôler son entourage.

Luke termina de mâcher sa bouchée de ragoût et reprit la parole.

— Afin de contrôler son entourage, il faut d’abord un gouvernement au sein duquel il puisse exercer un quelconque contrôle. Si le gouvernement s’effondre entre-temps…

— Ta’laam a des idées bien arrêtées sur ce qu’il désire, dit Cal en haussant les épaules. Si nous commençons à lui asséner des discours sur le patriotisme et le sens du devoir, il va croire que nous essayons de le manipuler. Il est du genre à penser que la hiérarchie appliquée à un entourage proche est l’une des clés de la réussite d’un gouvernement.

— Dans ce cas, dit Luke en soupirant, autant lui dire que, si la guerre se prolonge ainsi, ses alliés auront accès à d’importants contrats militaires.

— Vous savez qu’on pourrait faire de vous un excellent politicien, dit Cal en souriant.

— J’espère bien que non, répondit Luke.

Cala tendit la main par-dessus la table et s’empara d’un databloc.

— Ce sont les supporters de Rodan qui m’inquiètent. (Il pianota sur le clavier.) J’ai un peu regardé qui étaient les gens qui ont voté pour lui. Si je devais dresser mentalement une liste de ceux qui, au Sénat, souhaitent une trêve avec les Yuuzhan Vong, voire une reddition, je suis certain qu’on trouverait un très grand nombre de personnes soutenant Rodan.

— Le Sénateur Filendouce, par exemple, dit Luke en lançant un regard chargé de sous-entendus à Mara. Et le Sénateur Barrentrombe.

Cal fronça les sourcils en étudiant l’écran de son databloc.

— Je dénombre une bonne douzaine de sénateurs qui se sont enfuis de Coruscant pendant les combats, ou bien qui ont trouvé de bonnes raisons de décamper avant que l’invasion ne commence. Certains d’entre eux sont très influents.

— Rodan m’a confié qu’il ne faisait pas confiance aux Yuuzhan Vong pour qu’ils respectent une éventuelle trêve, dit Luke.

— Il l’a annoncé en public cet après-midi même, ajouta Mara.

— Mais peut-il tenir tête face à ses propres supporters ? demanda Cal. Si les gens dont dépend sa future position commencent à lui annoncer qu’ils souhaitent la paix avec les Yuuzhan Vong, comment pourra-t-il leur résister ?

— Je ne comprends pas, dit Mara. Rodan s’est montré très courageux pendant les combats. Presque héroïque. Comment peut-il se retrouver associé à ces personnes-là ?

— Certains ne posent pas de questions à ceux qui leur donnent ce qu’ils souhaitent, commenta Cal. (Un sourire se dessina sur sa longue figure.) Je n’ai d’ailleurs pas vraiment demandé à mes supporters de me remplir un questionnaire à ce sujet…

— Nous avons besoin de façon urgente d’un gouvernement, dit Luke en terminant son assiette. Un gouvernement que les militaires puissent respecter. Parce que l’armée risque de faire des bonds si on évoque une trêve ou une reddition. Et c’est alors que nous écoperons d’un gouvernement militaire qui n’a foi qu’en la légitimité des structures qu’il peut tenir à portée de blaster.

Cal eut soudain l’air très sérieux.

— Mara m’a raconté ce que vous avez vu cet après-midi. Je suis d’accord sur le fait qu’il nous faut rapidement un gouvernement. Un système parlementaire comme le nôtre est inefficace sur certains points, mais, malheureusement, nous sommes bien obligés de faire avec.

— La question, intervint Mara, est de savoir si l’armée est susceptible de comprendre ça.

C’était une question à laquelle personne ne pouvait apporter de réponse.

 

A leur retour, Luke et Mara trouvèrent Jacen dans leur suite. Il était assis sur le sol en posture de méditation. Luke sentit la Force entourer le jeune homme, tourbillonnant en grandes volutes à travers son corps, le nettoyant, le guérissant, le renforçant, le tonifiant. Les yeux de Jacen s’ouvrirent dès que les époux Skywalker pénétrèrent dans l’appartement. Il leur sourit.

— Les services d’espionnage en ont apparemment terminé avec moi, pour l’instant, dit-il. Je pense cependant qu’ils en ont encore pour un bon moment avec Vergere.

— Je suis allé m’entretenir avec elle, dit Luke.

— Et qu’est-ce que tu en penses ? demanda Jacen en souriant.

— Je pense qu’elle est compliquée.

Mara avait froncé les sourcils devant la réaction de Jacen à l’évocation de Vergere. Elle chassa ses sinistres pensées et alla s’asseoir à côté du jeune homme.

— Je me pose quand même des questions sur sa loyauté, dit-elle.

— Ce n’est pas simple, effectivement, dit-il. Parfois, elle peut être un peu dure.

Mara fit une grimace et Luke comprit pourquoi car ses entrailles venaient de tressaillir à l’idée des tortures qui avaient été infligées à Jacen. Il s’assit sur le sol, en tailleur, face à son neveu. Celui-ci le regarda.

— Je suis toujours ton apprenti, Maître Skywalker, dit-il. Est-ce que tu as une mission à me confier ?

Un peu dure, songea Luke. Il ne savait pas encore comment se comporter, mais il ne se comporterait certainement pas comme Vergere.

— J’ai une mission très délicate, dit-il en souriant. Tu vas prendre des vacances.

— Quel genre de vacances ? demanda Jacen, stupéfait.

— Celles que tu veux ! répondit Luke en éclatant de rire. Tu as enduré pas mal de choses et je veux que tu prennes un peu de temps pour t’en remettre, pour réfléchir. La plupart de tes amis sont ici, je veux que tu renoues avec eux. Consacre un peu de temps à la méditation, comme tu étais en train de le faire. Essaie de deviner ce que la Force attend de toi et, mieux encore, essaie de voir si cela correspond à tes attentes.

— Tu me donnes le choix ? demanda Jacen en inclinant la tête sous le coup de la surprise.

— Toi, plus que quiconque, tu as toujours eu le choix. Tu devrais le savoir. (Il plongea son regard dans celui, très sérieux, de Jacen.) Je veux que tu ailles au-delà de ce que tu souhaites pour toi, au-delà de ce Vergere souhaite, au-delà de ce que nous pensons tous. Je veux que tu sois seul avec la Force. Qu’il s’établisse un dialogue, entre la Force et toi, uniquement.

 

— Un peu dure ! s’exclama Mara. (Luke sentit les muscles de son épouse se raidir.) Des jours et des jours de torture et il la trouve un peu dure !

Ils étaient au lit, allongés sur le côté l’un contre l’autre, Mara recroquevillée dans la courbe que dessinait le corps de Luke. Jacen était probablement endormi dans la pièce voisine et ils parlaient à voix basse pour ne pas être entendus.

— Elle prétend avoir eu de bonnes raisons pour faire ce qu’elle a fait, dit Luke. Et ses raisons m’ont paru plausibles, même si elles étaient… un peu dures.

Mara eut l’air perplexe.

— C’est vrai qu’elle a contribué à ma guérison avec ses larmes.

— Un geste de compassion, peut-être. A moins qu’il ne s’agisse d’un calcul froid pour mettre en place une nouvelle trahison. Une nouvelle, nouvelle, nouvelle trahison, devrais-je dire.

— Elle a torturé Jacen, mais c’est quand même elle qui nous l’a ramené.

— Mais elle a participé à la mise à mort de centaines de millions de citoyens de la Nouvelle République, dit Luke. Les raisons qu’elle donne sont… comment dire ? Adéquates. A moins qu’elle ne soit tout simplement dénuée de la moindre ombre de conscience et qu’elle suive un plan qu’elle s’est elle-même tracé.

Le regard de Mara se durcit.

— En tout cas, il faut arracher Jacen à son influence.

— C’est pour cela que j’ai dit à Jacen de prendre des vacances, de reprendre contact avec ses amis, dit Luke. Je ne peux pas lui ordonner de cesser toute connexion avec Vergere, mais je peux au moins lui conseiller de renouer avec les aspects de son existence qui ne sont pas liés à elle.

— Bonne idée, répondit Mara.

— Je ne sais pas exactement ce qui est arrivé à Jacen pendant son absence. En tout cas, il en est ressorti plus mature. Plus équilibré. Plus concentré que jamais sur la Force.

— Je suis d’accord, dit Mara en se mordant la lèvre. Je suppose qu’il n’y a pas que du mauvais dans ce qui lui est arrivé.

— Une fois que Jacen aura retrouvé ses marques, je l’enverrai en mission. Une fois qu’il aura eu un peu de temps pour réfléchir, qu’il aura recouvré son équilibre, il lui faudra renouer avec son travail.

— Oui, hésita Mara. Ce ne sera pas facile, mais c’est nécessaire.

— Ce matin, j’ai évoqué le fait que Jacen avait une destinée spéciale, dit Luke. Vergere pense la même chose que moi.

Mara regarda son époux par-dessus son épaule.

— Tu ferais peut-être mieux de me raconter tout ce qu’elle t’a dit.

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